UTEI – Récit d’un survivant : Briller comme l’étoile du matin

UTEI – Récit d’un survivant : Briller comme l’étoile du matin

Pendant des décennies, de la fin des années 1800 jusqu’en 1996, quand le dernier pensionnat autochtone a fermé au pays, nous avons collectivement refusé d’entendre les témoignages des survivants. Pendant des années, des membres des Premières Nations ont souffert, en intériorisant la violence contre leur peuple, leur culture, leur identité et même leur humanité ; jusqu’à il n’y a pas si longtemps, leurs histoires nous paraissaient lointaines, sans visages et sans noms. Mais depuis quelque temps, un changement s’opère, on s’indigne de plus en plus des mauvais traitements subis, on se scandalise de la découverte de tombes d’enfants, disparus, mais jamais oubliés par leur famille à qui ils avaient été enlevés.

UTEI : Récit d’un survivant, des Productions Menuentakuan, s’offre comme une étape de plus dans la guérison d’un de ces anciens pensionnaires, et comme un pas de plus vers une réconciliation et une compréhension mutuelles. Cette prise de parole forte émeut terriblement ; impossible de garder les yeux secs ou de ne pas avoir la gorge nouée en l’écoutant.

C’est d’abord le son d’un tambour qui résonne dans l’air, comme si on se trouvait à l’intérieur même de l’instrument. Puis une voix surgit de l’ombre tandis que seule une tente illuminée de l’intérieur éclaire la salle. C’est une voix paisible, en harmonie, qui nous raconte ce qu’était sa vie de jeune Innu, encore protégé par le cocon familial. Plus tard, c’est le lit trop vide du pensionnat qui accueille le petit garçon de 6 ans et en dit juste assez sur les traumatismes vécus. Puis c’est le traîneau de tous ses regrets, ses souffrances, colères et hontes que l’homme traîne avec lui, jusqu’à tenter de s’enlever la vie.

Le récit du survivant, c’est celui d’Omer St-Onge, membre de la communauté innue de Maliotenam, auteur et interprète de la pièce. C’est celui d’un homme qui a vécu l’horreur du « pensionnat », où on lui a arraché son nom pour lui attribuer un numéro, où on a violé son enfance et son corps, et sali son amour pour sa famille et ses origines. Le récit bouleverse sans jamais être trop dur, car il faut qu’on entende ces vérités-là, il faut qu’elles soient dites.

À la mise en scène, Xavier Huard a fait le choix de « s’effacer », laissant toute la place au récit du survivant, au regard de l’homme blessé qui plonge dans celui des spectateurs. Le récit n’est pas parfait, les mots se cherchent, se bousculent ou trébuchent parfois, mais il n’en est que plus sincère. La voix apaisante de St-Onge, l’incroyable authenticité de son témoignage dans lequel il se met à nu, et l’amour ou la douleur incroyable que sous-tendent les souvenirs évoqués font de ce spectacle une expérience théâtrale mémorable. Non pas pour une scénographie grandiose ou le déploiement d’une distribution toute étoile, mais pour le contact émotif qu’il crée entre le conteur et son public.

La production se reçoit en douceur, malgré la tristesse du sujet, grâce à un texte sensible qui prend le temps de bien dire les choses, de bien faire ressentir tantôt l’amour pour une culture et un territoire, tantôt la honte de s’être réjoui de ne pas avoir été l’enfant choisi par le surveillant cette nuit-là.

UTEI offre un témoignage précieux. Vous n’apprendrez probablement rien de ce que vous ne savez déjà, mais entre le savoir et le vivre comme St-Onge et Huard nous le font vivre fait toute une différence. Le récit ouvre des portes qui ont besoin de s’ouvrir encore et encore. Avec ce témoignage, c’est celui de millier d’autres, qui n’ont pas eu la force de parler ou qui sont morts avant d’avoir pu le faire, que l’on entend résonner. Tshinashkumitin.


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Calendrier

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Du 3 au 6 mars 2022

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