Casteliers – Vertip : En terrain glissant

Que faire quand ses traditions recèlent un fond de racisme? Comment perpétuer son héritage culturel sans donner voix à l’intolérance? Inspirée par le vertep, spectacle de marionnettes de tradition slave, la nouvelle production de Scapegoat Carnivale, s’avance en tout respect et humilité sur ce terrain glissant.

Le Show sur l’effondrement qui n’aura pas lieu : une singulière assemblée

Porté par un collectif d’artistes et produit par le Bureau de l’APA, Le Show sur l’effondrement qui n’aura pas lieu est présenté par ses créateurs comme une conférence-démonstration. À l’intérieur d’une structure de départ consacrée, une assemblée générale est déboulonnée par ses participants, lesquels incluent le public. Livré sous forme de journal de bord, le discours qui étaie la performance se frotte aux distorsions causées par les voix, les sons, la musique, les images et les actions dans une sorte de désordre organisé. Les interprètes (Laurence Brunelle-Côté, Bernard Langevin, Félix Fradet Faguy, Marie-Loup Cottinet, Julie Cloutier Delorme, Robert Faguy et Alain-Martin Richard) y incarnent leur propre rôle pour donner libre cours à leurs réflexions sur la notion d’effondrement appliquée tant à l’individu qu’à la société.

Ici ou (pas) là : l’art zen de la transformation

Avec sa production Ici ou (pas) là, dernière pièce de son triptyque jeune public, le collectif français Label Brut ouvrait de belle manière le 18e Festival de Casteliers. Sur la scène du Théâtre Outremont, métamorphosée en castelet géant par de nombreuses voilures blanches, la pièce nous transporte dans un monde en transformation constante.

Chambres d’écho : Gare à la surcharge

Le monde entier est en équilibre sur une faille qui pourrait s’ouvrir à tout moment, le basculant dans le chaos. Le paradoxe de l’accélération et de la multiplication des moyens de communication des dernières années, spécialement en rapport aux réseaux sociaux qui sont censés créer des ponts, enferment les utilisateurs dans des chambres d’écho. Prisonniers de ces cloisonnements virtuels, que comprend-on vraiment de la réalité vécue par les autres, de la guerre en Syrie, des printemps arabes, de ce qui pousse un être humain à s’immoler ou un autre à entrer dans une mosquée pour tuer des gens en pleine prière? Comment prévenir l’escalade? Et surtout, comment distinguer les faits des perceptions dans une ère où les opinions règnent, parfois au point d’imposer des faits alternatifs comme des arguments valables?

Là-bas : La valise comme métaphore du voyage intérieur

La sagesse populaire dit que dans le voyage ce n’est pas la destination qui importe, mais la route pour s’y rendre. Les trois comparses de Là-bas, lorsqu’ils arrivent sur scène soudés ensemble et ne formant qu’une seule bibitte, l’apprendront à leur corps défendant. L’empilement des valises sur le plateau indique d’emblée à quel genre d’aventure le public peut s’attendre. Mais dans une sorte d’inversion malicieuse, on comprend aussitôt que ce sont les malles et mallettes qui décideront de leur périple, pas eux.

Les danseurs étoiles parasitent ton ciel : Ça prend un village…

Comme la musique d’un cours de danse sociale résonnant dans les rues d’un quartier populaire un soir d’été, le récit des Danseurs étoiles parasitent ton ciel marque le tempo d’une valse à laquelle on prend tous part un jour ou l’autre, entre ambitions et désenchantements, rêves et réalité du quotidien.

Léon le nul : un spectacle qui va de bon train du début à la fin

En collaboration avec le Théâtre de la Pire Espèce, le Théâtre Aux Écuries présente une réécriture de la pièce Léon le nul mise en scène par son auteur, Francis Monty. Dans cette nouvelle édition du texte paru en 2018, c’est un narrateur qui se charge de raconter l’histoire de Léon au public. L’unique interprète du spectacle, Étienne Blanchette s’investit corps, voix et souffle pour faire vivre une douzaine de personnages sous le regard amusé des petits et des grands.

Le garçon de la dernière rangée : une intrigante sensation de catastrophe imminente

Le garçon de la dernière rangée relate les élucubrations d’un étudiant sournois et ténébreux, Claude (Vincent Paquette), qui s’immisce dans la demeure d’un camarade de classe, Raph (Samuel Bouchard), pour satisfaire sa curiosité maladive. En transposant par écrit son expérience intrusive, il avive un besoin malsain chez son professeur de littérature (Hugues Frenette) qui, à l’instar des spectateurs, se transforme en voyeur par personne interposée. Le talent de Claude pour les lettres se démarque des compositions insipides des autres étudiants, ce qui pousse l’enseignant blasé à provoquer, par le biais de critiques acerbes, les desseins déviants de son élève.

L’éveil du printemps : un hommage réjouissant aux désirs libres

Inspiré de l’œuvre de Frank Wedekind du même nom, L’éveil du printemps est une ravissante réécriture imaginée par David Paquet (Porc-épic, 2h14), mis en scène par Olivier Arteau (Doggy dans Gravel, Made in Beautiful (La belle province)). Pièce censurée pour sa dénonciation de « l’hypocrisie puritaine » du 19e siècle, elle conserve une pertinence déconcertante encore aujourd’hui en raison des thèmes qui y sont abordés. La coproduction du Trident et du Théâtre Denise-Pelletier reprend les sujets évoqués dans le texte original, soit les violences sexuelles, l’homosexualité, le BDSM, la masturbation et le suicide – principalement leur caractère tabou -, en les bonifiant de perspectives et d’enjeux plus actuels, tels que les questions environnementales et d’identités de genre. Le spectacle dépeint l’éveil du désir et l’acceptation de soi, dans un monde de destruction et de domination patriarcale capitaliste, faisant ainsi l’éloge du pouvoir des corps et de leur rencontre en dépit de la peur.

Une maison de poupée, 2e partie : la brillante suite d’un combat qui est toujours d’actualité

Imaginée telle la «suite» de la pièce Une maison de poupée écrite par Henrik Ibsen en 1879, Une maison de poupée, 2e partie est présentement à l’affiche au Théâtre du Rideau Vert. Traduit de l’anglais par Maryse Warda dans un français plutôt populaire, le texte du dramaturge américain Lucas Hnath place les personnages d’Ibsen quinze ans après que sa protagoniste Nora ait quitter les lieux de son ancienne vie de femme mariée et de mère au foyer. S’il est vrai que connaître la pièce d’Ibsen n’est pas nécessaire à l’appréciation de ce spectacle, il est clair que le public au fait de cette «1ère partie» ne peut que constater davantage à quel point le contexte du 19e siècle peut ironiquement faire écho à celui d’aujourd’hui.